• Sweet Smoke - Baby Night - (1970)

     

    Les années 70. Toute mon enfance...

    Les années 70, c'est l'arrachement à la terre stéphanoise natale, mon père (VRP, représentant de commerce, technico-commercial, comme vous voulez) ayant été muté dans le sud-est, région dont je ne devais plus bouger. Les années 70, c'est la maternelle et l'école primaire dans un petit village provençal, en pantalons pat' d'éph' en velours cotelé et pulls à col roulé en matière synthétique qui te font de l'électricité statique partout dans les cheveux quand tu les retires. C'est le camping en été. C'est les goûters devant la téloche et le rendez-vous quotidien avec un dinosaure orange sur une île réservée aux enfants (enfin moi, je le voyais en noir et blanc jusqu'en 1981, année où nous achetâmes une télé couleur, très design, montée sur un unique pied central évasé et s'allumant en ouvrant un compartiment situé sur sa tête, dans lequel était discrètement dissimulé une télécommande à infrarouge. Couleur + télécommande = révolution domestique !)

    Musicalement, ce n'est pas grand-chose. La bande FM n'existe pas encore et, quand elle éclot, elle est pirate. Déjà que dans le trou paumé où on était on ne pouvait rien capter à part RMC en grandes ondes, je vous raconte pas. Du coup, mes parents écoutaient Radio Monte-Carlo. RMC, à l'époque, c'est une radio périphérique comme les autres. Enfin comme les deux autres disponibles, Europe 1 et RTL. Sauf que celles-là, ainsi que France Inter, on ne pouvait pas les capter.

    Il y passe de la musique. Variétoche, populaire, mainstream. Il y a un hit-parade. Ça plus les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier à la télé et vous aurez un aperçu de ce qu'était mon univers musical à cette époque. Du coup, je connais tous les tubes de variété française de la seconde partie des 70's, ainsi que les tubes disco qui inondaient la radio et la télé. Ma première vraie K7 magnétique, au tournant des 80's, comprenait, sur la face A, une compil' de singles du groupe ABBA et, sur la face B, un greatest hits de Boney M. Je l'ai usée jusqu'à la corde !

    J'avais quand même quelques 45 tours, que je jouais d'abord sur un mange-disque en plastique de couleur vert pomme, puis sur un vieux pick-up des années 60 que mon père nous avait refilé, à mon frère, ma soeur et moi, après s'être acheté une chaîne hi-fi à peu près digne de ce nom. On y passait quelques vieux disques des années 60 en fin de course, genre un groupe instrumental qui s'appelait Les Fingers, que j'adorais, ou quelques 45 tours récemment achetés, comme le générique de Goldorak par Noam, le Born to be Alive de Patrick Hernandez, Ça plane pour moi de Plastic Bertrand ou En chantant de Michel Sardou... La belle époque quoi...

     

    De son côté, mon père s'achetait parfois quelques 33 tours et essayait de se constituer une petite discothèque (qui ne dépassera jamais les 100 titres) de choses qu'il aimait écouter. C'était assez éclectique et, inconsciemment, ce côté éclectique a dû me marquer...

    En vrac, on y trouvait :

    - de la chanson française dite "à textes" : Brassens surtout, qu'il adorait, mais aussi un peu de Léo Ferré, de Jacques Brel, de Jean Ferrat, de Pierre Perret, de Pierre Vassiliu, d'Edith Piaf...

    - de la "variété" française : Johnny Hallyday et Michel Sardou surtout, mais aussi du Serge Lama, du Mort Schuman, du Demis Roussos, du Marie Laforêt...

    - du rock de base : The Rolling Stones, The Police, Santana...

    - du Jean-Michel Jarre : Oxygène et Equinoxe. Et du Saint-Preux : Le piano sous la mer.

    - du jazz : essentiellement Sydney Bechet

    - de la musique classique : Mozart et Beethoven en majorité, un peu de Tchaïkovsky, de Prokoviev ou de Stravinsky par-ci par là...

     

    Et surtout, surtout, un album qui deviendra mon album culte pendant des années : Just a Poke, par Sweet Smoke.

     

    Il passait de temps en temps, mais régulièrement, tous ces disques et, forcément, je m'en imprégnais un peu. Je n'aimais pas Brassens parce que sa musique me faisait chier. Or, je suis d'abord sensible à la musique. Il m'arrive de m'intéresser parfois aux paroles, mais seulement quand la musique m'a accroché d'abord. Mais j'aimais bien Léo Ferré, Sardou et Hallyday (ça calme hein ?). Le jazz et le classique me faisaient chier aussi (à part L'oiseau de feu d'Igor Stravinsky, qui me parlait à fond), mais Le piano sous la mer de Saint-Preux me mettait en extase (un mélange d'orchestre classique et de groupe de rock du plus bel effet) et les deux premiers albums de Jean-Michel Jarre faisaient ma joie.

    On peut donc en déduire que, dès avant 10 ans, mon penchant naturel m'entraînait vers des morceaux-fleuves, en majorité instrumentaux, de tendance planante et progressive, propres à alimenter la rêverie. Je suis un grand rêveur devant l'éternel...

     

    Et donc, de loin, mon disque péféré était Just a Poke. Un 33 tours dont la pochette psychédélique me ravissait. Deux titres seulement. Un titre-fleuve par face : Baby Night en face A et Silly Sally en face B. Environ 16 minutes 30 chacun. J'ai demandé plein de fois à mon père de le mettre sur la platine quand il ne le mettait pas de lui même.

    Sweet Smoke, c'est un groupe new-yorkais, issu de la nébuleuse communautaire hippie américaine, composé de :

    Marvin Kaminovitz à la guitare solo et au chant.

    Steve Rosentein à la guitare rythmique et au chant.

    Andy Dershin à la basse.

    Jay Dorfman à la batterie et aux percussions.

    Michael Paris aux instruments à vent.

     

    Just a Poke, c'est de la musique de drogués, tendance hippies-babas cool. Un subtil mélange de rock progressif, de rock psychédélique, de classic rock, de pop et de jazz.

    J'aime les deux faces mais Baby Night  reste mon morceau préféré, à cause de son homogénéité, de l'absence de solo de batterie aérienne (qui caratérise le morceau Silly Sally de la face B), de la présence magnifique d'une flûte inspirée, des petits bouts de The Soft Parade subtilement intégrés à l'ensemble (à l'époque, je ne connaissais pas encore les Doors et je croyais que le passage "soft parade" était une création originale de Sweet Smoke). Le groupe n'ayant pas de succès aux USA, ils allèrent enregistrer leur album en Allemagne pour EMI (oui, le légendaire label de  Pink Floyd et des Beatles ! Comme quoi, avant même d'y connaître quoi que ce soit à la musique, mon cerveau et mon coeur avaient déjà choisi leur camp...)

     

    P.S. : le morceau étant trop long, je n'ai pas pu l'uploader. J'ai donc cherché une version complète satisfaisante sur YouTube, Dailymotion et Vimeo. Sans succès. Vous vous contenterez donc de celle postée ci-dessus avant de vous jeter sur le disque dès que l'occasion se présentera, puisque je sens que vous êtes déjà conquis...

     

    Soundtrack of your life

     

     

    La semaine prochaine : Michel Sardou.


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  • George Harrison - My Sweet Lord - (1970)

     

    Vous allez peut-être vous demander : "Pourquoi diable cette chanson hippie-bab-katmandouesque en guise d'introduction ?"

    Et je vous répondrai (si toutefois vous en avez quelque chose à foutre et que vous vous êtes posés la question ci-dessus en lisant le titre de cette première chronique) : parce que grâce à cet incroyable outil qu'est internet, j'ai découvert  que, le jour de ma naissance, non seulement un éléphant est mort (et, depuis ce jour-là, je le porte à mon cou), mais aussi, et  surtout, que la chanson qui était en tête du hit-parade en France ET en Angleterre le 26 février 1971 était My Sweet Lord  de George Harrison ! La preuve en un clic.

    Rétrospectivement, j'ai vu ça comme un signe de Dieu. Le sweet Lord avait posé un doigt bienveillant sur mon front tout en me soufflant à l'oreille (ou au trou de balle, je sais plus) : "Tu seras un homme de goût, mon fils" (tout bien réfléchi, ce ne devait pas être à l'oreille...). Bref, il m'offrait un Beatle en guise de cadeau de naissance. Avouez quand même qu'on a vu pire.

    Du coup, je me suis demandé dans quelle mesure l'environnement musical populaire pouvait agir sur un nourisson sensible et éveillé. Ma réflexion m'a amené à cette conclusion sans appel : on doit tout à son environnement musical populaire. Je dois tout à la musique de cette époque en général et, donc, à George Harrison en particulier, même si je ne devais découvrir réellement les Beatles que vers 15-16 ans, en plein marasme 80's (mais je vous raconterai peut-être ça plus tard), et constater que George Harrison n'était pas mon Beatle préféré.

    Bref, je me suis mis à plaindre sincèrement les gens nés le jour où Peter et Sloane, Jermaine Jackson et Pia Zadora, David et Jonathan... trônaient en haut des hit-parades ! Bon, je me moquais d'eux en même temps. Ha ha ! Quelle bande de losers sans goût ! La honte ! Et je me félicitais d'être né sous de tels auspices alors que tant d'autres devaient souffrir le martyre...

    Et puis j'ai découvert que j'étais né le même jour qu'Hélène Ségara et Romane Serda...

     

     

    Reste que l'album de George dont est tiré ce titre, All Things Must Pass, est un grand album. Le meilleur de cet ex-Beatle en solo. Mon morceau préféré n'est d'ailleurs pas My Sweet Lord, même si je l'aime beaucoup, mais le méconnu, groovy, pêchu et surprenant Art of Dying, que je m'empresse de vous offrir tout de suite, parce que je peux pas m'en empêcher. Et puis Art of Dying, pour conclure un post de naissance, je trouve ça bien.

     

    George Harrison - Art of Dying  - (1970)

     

    Soundtrack of your life

     

     

    La semaine prochaine : Hélène Ségara et Romane Serda.

     

     


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  • "A pretty girl is like a violent crime
    If you do it wrong you could do time
    But if you do it right it is sublime
    (...)
    A melody is like a pretty girl
    Who cares if it's the dumbest in the world
    It's all about the way that it unfurls"


    Je vais faire un truc que je détesterais probablement lire. Et je vais m'arracher les cheveux à le faire. Vous allez voir.

    Laissez-moi vous parler du sixième album des Magnetic Fields. Et quel album, nom d'une Chouffe au fût, un triple cd (sextuple 10") sorti sur l'excellent label indie Merge Records, 69 Love Songs.
    Le concept de l'album est assez simple, Stephin Merritt a voulu écrire 69 (il avait prévu d'en faire 100 mais il en a été dissuadé à cause du nombre de disques et puis 69, ça sonne mieux et ça fait 23 chansons par cd) chansons d'amour dans 69 genres musicaux différents. Je préviens tout de suite qu'il n'y a pas vraiment 69 genres musicaux sur l'album mais bien une vraie diversité dans les chansons, les arrangements, les instruments et même les chanteurs (Stephin Merritt bien sûr mais aussi LD Beghtol, Shirley Simms, Claudia Gonson et Dudley Klute).

    Mais commençons par le commencement, j'ai découvert The Magnetic Fields parce que je me suis forcé. Eh oui. Je connaissais de nom - comme je vous l'ai dit ils étaient chez Merge, label qui regroupe les merveilleux Neutral Milk Hotel (dont je vous parlerai certainement), The Essex Green (dont je vous parlerai probablement, un live track peut-être), The Ladybug Transistor, The Music Tapes, Superchunk. Et même Arcade Fire mais ça je m'en fous. (Et si Charlie passe par là, il y a aussi She & Him avec la délicieuse Zooey.)
    Et j'ai particulièrement apprécié les reprises de deux chansons tirées de 69 Love Songs qu'en ont fait Bright Eyes et Jens Lekman sur une compilation sortie à l'occasion des 20 ans de Merge. Bright Eyes y reprend la chanson que tu écoutes en ce moment, Papa was a rodeo (moins bien que l'originale mais ça je ne m'en suis rendu compte qu'après plusieurs écoutes de cette originale, qui est une putain de chanson comme tu peux le constater). Jens Lekman (et Tracey Thorn, la chanteuse de Everything but the girl) reprennent Yeah! Oh, yeah!, un sommet de cynisme.

    Donc je me suis forcé. Pourquoi me demanderas-tu? Je sais pas, je sais plus, j'étais là, j'écoutais de la musique pop indie sans rien demander à personne et je me suis dit pourquoi pas finalement écouter cet album culte. Ça ne m'arrive jamais ça en plus, être poussé par la prétendue cultissimité (cultitude? culticisme?) d'un album ou d'un groupe. Bref j'écoute. Mais bon, faut vraiment le vouloir hein, se farcir 69 chansons, pas toujours faciles d'accès, une voix (celle de Stephin) particulièrement grave, un thème général qui peut rebuter (pas moi, j'ai rien contre quand c'est bien fait*). Je ne me souviens plus vraiment des premières écoutes, toujours est-il que j'ai adoré cet album et quasi immédiatement considéré Stephin Merritt comme l'un des plus grands songwriters actuels (mais je n'oublie pas Jean-Jacques).

    Donc je vais parler de 69 Love Songs. Mais comment? C'est là qu'intervient ma première phrase, je vais faire un truc chiantissimement prétentieux: 69 chansons, 69 mots pour les décrire (ou ne pas les décrire), pour donner envie (ou dégoûter), un mot par chanson (ou parfois plusieurs, les règles vous savez...). Mot qui décrira la musique ou les paroles, une émotion ou une absence d'émotion. Je ne vous l'ai pas dit mais le monsieur Merritt se distingue dans ses textes par une absence totale de sincérité, une ironie, un humour noir qui font un bien fou. Ce qui n'empêche nullement de prendre les chansons au premier degré si le coeur vous en dit. Et de déprimer après 9 fois sur 10, j'ai compté.

    Bon, sur ce, je vous invite à passer directement à la fin de ce billet si cet exercice de style vous emmerde autant que moi. Toutefois, je vous offre ce deuxième extrait de l'album si vous voulez un bon truc pour faire passer la pilule indigeste qui suit. (Et en plus d'être indigeste, je ne parviens toujours pas à en cerner l'utilité...)

    Vol. 1
    1. Absolutely Cuckoo - Singalong
    2. I Don't Believe in the Sun - Calimero
    3. All My Little Words - Unboyfriendable
    4. A Chicken with Its Head Cut Off - Indifférence
    5. Reno Dakota - Rimes
    6. I Don't Want to Get Over You - Obstination
    7. Come Back from San Francisco - Hmmmhmmmhmmm
    8. The Luckiest Guy on the Lower East Side - Aaaaaaaaaaadolescence
    9. Let's Pretend We're Bunny Rabbits - Jouissance
    10. The Cactus Where Your Heart Should Be - Rien
    11. I Think I Need a New Heart - Insensibilité
    12. The Book of Love - Eternité
    13. Fido, Your Leash is Too Long - Synthétiseurs
    14. How Fucking Romantic - A cappella
    15. The One You Really Love - Houhou
    16. Punk Love - Punk?
    17. Parades Go By - Désillusion
    18. Boa Constrictor - Désespoir
    19. A Pretty Girl is Like... - Sagesse
    20. My Sentimental Melody - Pleurnicheries
    21. Nothing Matters When We're Dancing - Choeurs
    22. Sweet-Lovin' Man - Conte de fée
    23. The Things We Did and Didn't Do - Regrets

     Vol. 2
    1. Roses - Court
    2. Love is Like Jazz - Ennui
    3. When My Boy Walks Down the Street - Aveuglement
    4. Time Enough for Rocking When We're Old - Carpe diem
    5. Very Funny - Cocu
    6. Grand Canyon  - Espoir
    7. No One Will Ever Love You - Hypocrisie
    8. If You Don't Cry - Misanthropie (papapaa)
    9. You're My Only Home - "Ne me quitte pas"
    10. (Crazy for You But) Not That Crazy - Dévotion
    11. My Only Friend - Beauté
    12. Promises of Eternity - Boule-à-facettes
    13. World Love - "Love, music, wine and revolution"
    14. Washington, D.C. - Cheerleader
    15. Long-Forgotten Fairytale - Sadisme
    16. Kiss Me Like You Mean It - Gospel
    17. Papa Was a Rodeo - Sobriété
    18. Epitaph for My Heart - Mélancolie
    19. Asleep and Dreaming - Accordéon
    20. The Sun Goes Down and the World Goes Dancing - "I don't know why but I just feel like dancing"
    21. The Way You Say Good-Night - Violoncelle
    22. Abigail, Belle of Kilronan - Mâchicoulis
    23. I Shatter - Gravité

    Vol. 3
    1. Underwear - Minimalisme
    2. It's a Crime - Reggae
    3. Busby Berkeley Dreams - Nostalgie
    4. I'm Sorry I Love You - Jardinage
    5. Acoustic Guitar - Arpège
    6. The Death of Ferdinand de Saussure - Clairvoyance
    7. Love in the Shadows - Bongos
    8. Bitter Tears - Drame
    9. Wi' Nae Wee Bairn Ye'll Me Beget - Répartie
    10. Yeah! Oh, Yeah!  - Cynisme
    11. Experimental Music Love - Echo
    12. Meaningless - Adverbes
    13. Love is Like a Bottle of Gin - Définition
    14. Queen of the Savages - Anthropophagie
    15. Blue You - Moiteur
    16. I Can't Touch You Anymore - Prétentieux
    17. Two Kinds of People - Romantique
    18. How to Say Goodbye - Pandan-lagl
    19. The Night You Can't Remember - Gueule de bois
    20. For We Are the King of the Boudoir - Baroque
    21. Strange Eyes - Charabia
    22. Xylophone Track - Testament
    23. Zebra - Désinvolture

     Je vous l'avais dit. En plus c'était vraiment long et chiant à faire.

    Encore quelques mots.
    J'ai eu la chance de voir The Magnetic Fields à Amsterdam l'année dernière (chance car Stephin Merritt déteste tourner et certainement encore plus tourner en Europe). C'était dans une église (désacralisée, je rassure les bouffeurs de curés), une acoustique épatante, un groupe statique à souhait (on était assis, quel bonheur et eux aussi), des dialogues mordants, des interprétations parfaites, bref un concert mémorable. Pour (presque) finir, voici un extrait live d'une de leurs plus belles chansons que j'aurais pu mettre en musique d'intro, mais non, je vous la mets ici, All my little words:

     

    Et ce qu'il y a de bien avec les Magnetic Fields c'est que tout est bon. De leurs premiers albums synth pop à leurs derniers, la trilogie "garantie sans synthétiseur": i, Distortion, Realism. Donc n'hésitez pas à vous y plonger tout entier.



    Soundtrack of your life

     

     

    La semaine passée, Jean-Jacques Goldman.

     

    * Elle est d'ailleurs de Pierre Bachelet, Madame de Claude Barzotti, Le coup de soleil de Richard Cocciante...


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    J’ai vu un squelette.

    J’ai vu le squelette du rock, avec des reliquats de moëlle épinière épileptique, pour l’énergie. Des os et du nerf, sans artifice. Sans enveloppe.


    Ces gars connaissent tellement leur rock sur le bout des doigts qu’ils l’ont épluché jusqu’à l’os. Jusqu’à la moëlle. Epinière, la moëlle.
    Une guitare (une seule, on ne change pas de gratte entre les morceaux). Une basse (une seule aussi). Une batterie (surtout une caisse claire, la grosse caisse et deux cymbales).


    Faut dire que Shellac c’est pas non plus n’importe qui :
    Steve Albini tient la gratte, mais ça c’est pour s’amuser. Parce que sinon il est le monsieur qui a produit le In Utero de Nirvana, le Surfer Rosa des Pixies, le Rid of Me de PJ Harvey, My Father My King de Mogwai, Yanqui U.X.O. de Godspeed You ! Black Emperor, The Weirdness des Stooges, plein de chose de Jon Spencer Blues Explosion ou Plug et Planet of Tubes de Sloy. Entre autres.
    Bob Weston (appelons-le Robbie, puisque c’est comme ça qu’il s’est présenté au public) tient la basse, et est lui aussi producteur, souvent sous la houlette du sieur Albini. Et officie au sein d’un autre groupe inconnu de moi-même : Mission of Burma.
    Todd Trainer est batteur, et c’est déjà énorme vu son jeu assez hallucinant. Il est également le seul membre de Brick Layer Cake, qu’il produit et enregistre aussi tout seul.Ce batteur a la frappe la plus sèche du monde, c’est certain. Il malmène sa caisse claire avec une brutalité qui force le respect. Heureusement qu’il est pas flic, parce qu’un coup de matraque comme ça calmerait les ardeurs des plus vindicatifs !

     

    Ce concert a été une décharge de rock radical. Au sens étymologique : qui va à la racine. Ils ont vraiment décortiqué le rock pour ne garder que l’énergie, concentrée dans la rythmique brutale du groupe. Et même l’énergie est brute. Pas rageuse comme pour Rage Against The Machine ou les Bérus, pas joyeuse comme pour les Wampas, pas sophistiquée comme chez Nine Inch Nails. Juste brute. Celle qui ne passe pas par la case cerveau, qui choppe le raccourci du système nerveux central pour faire bouger sa penser.

    Et ça marche atrocement bien ! Ca bougeait plutôt pas mal dans le public (peu nombreux), et ça faisait longtemps que je n’avais ressenti ce petit mal de cou suite à headbanging forcené.
    Ce qui est vraiment particulier avec ce groupe, c'est que le batteur est au centre. De la scène, certes, mais aussi de la musique. C'est lui qui "casse" les morceaux, et il participe quasiment moins que les autres à la partie rythmique "pure". Il y a plus de solos de batteries que de guitare, pendant un concert de Shellac. Et c'est très fort, je trouve. Bref, j'me comprends, quoi !

    Bon évidemment, si tu aimes les mélodies tu risques d’avoir un peu de mal. Quoique sur un morceau, Steve Albini a gratté une esquisse de mélodie, alors ne soyons pas mauvaise langue, hein.

    De même si tu aimes les light shows qui t’en mettent plein les mirettes, tu aurais eu du mal à trouver ton compte avec Shellac. Ce groupe n’est pas là pour te faire briller les yeux. Non. Il est là pour te faire saigner les oreilles. Là ça y est, elles sont bien nettoyées, prêtes à en découdre paisiblement avec des choses moins bruyantes. Y a que mon frère qui n’a pas réussi à se déboucher l’oreille avec les assauts ravageurs du batteur !

     
    Oui parce que j’ai fait une infidélité à ma chérie, ce 24 mai 2011 : je suis allé voir un concert avec mon frère et sa chérie, mais sans la mienne.
    Tu rigoles mais ça fait bizarre, parce qu’il y a entre nous cet accord tacite : les concerts, c’est ensemble. Sauf les Wampas, qui ne font pas (encore ?) partie de l’accord. Donc ben voilà, je pense que depuis que l’on vit ensemble on n’a jamais rompu cet accord. Sauf là. Alors forcément, dès que mon cerveau se reconnectait, entre les morceaux, je pensais à elle : est-ce qu’elle aurait aimé ? est-ce qu’on aurait été plus loin dans le fond pour qu’elle voit mieux (au-dessus des grands) ? est-ce qu’elle aurait aimé cette première partie, ou aurait-elle émis les mêmes critiques que pour la première partie de Godspeed ?

    Par exemple Youngblood Brass Band est passé sur Marseille il y a peu. Je ne pense pas que ça plaise à Béa, et je n’ai même pas envisagé d’y aller sans elle. Pourtant j’en ai fait des concerts seul, et ça ne me dérangeait absolument pas. Mais c’était avant. Avant de vivre avec ma chérie. Et de partager ces moments de musique live. Je sais que je ne saurais pas profiter d’un concert sans elle (sauf pour les Wampas, parce que je sais qu’elle sait que les Wampas en concert, pour moi, c’est de la joie dans les cœurs. Et que je sais aussi que pour elle, ça serait au mieux de la curiosité, et au pire pour me faire plaisir).
    Sauf que oui, c’est vrai, ce pacte a été rompu pour Shellac. Mais les circonstances sont exceptionnelles : mon frère et sa chérie sont là en ce moment, et c’est cool. Et la joie de ces moments ensemble abat les barrières mentales que je me construis habituellement.

    Il y a quand même eu un précédent : les Bérus à Dour en 2004. Béa avait refilé son bracelet à Romu pour le dernier jour, mais on avait déjà fait ensemble les 2 jours précédents. Et les Bérus, c’est pas trop sa tasse de thé non plus. En fait le rock alternatif français des années 80, c’est pas son truc. En même temps, vu le nombre de survivants de ce mouvement, on risque pas de le rompre souvent, notre accord tacite !

     

    Ah et donc oui, il y avait une première partie. Helen Money, qu’elle s’appelle. Elle est seule avec son violoncelle, auquel elle applique les effets d’une guitare électrique. Y a de l’idée, mais faut encore bosser pour que ça dépasse le stade de la curiosité. Bon ceci dit c’est bien plus agréable que Colin Stetson, l’homme au saxophone qui nous tortura en première partie de Godspeed…

     

     

    Et la fin du concert, alors ?
    Ben à la fin du dernier morceau, gratteux et bassiste démontent la batterie pendant que le batteur voit son espace de jeu s'amenuiser. Arrive le moment où la batterie est totalement démontée. Fin. Pas de rappel possible.

    Donc Shellac en live c’est brut, c’est bon, mangez-en (plein les dents).

     

     

    Soundtrack of your life

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    PS : y a des morceaux du concert de Marseillesur Youtube (ça commence par les 10 premières minutes du concert) :

     

    Alors ?

     

     

     

     


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  • "For the tree of life is growing
    Where the spirit never dies
    And the bright light of salvation
    Up in dark and empty skies
    When the cities are on fire
    With the burning flesh of men
    Just remember that death is not the end"

     

     

     

    Murder Ballads. Je vais te parler de Murder Ballads
    Après Diabologum et les autres, je vais avoir de plus en plus de mal à passer pour un gars joyeux, hein !

     

    Du coup j’ai choisi un morceau vachement optimiste : "Death is not the End". Ouais, en fait j’ai choisi le seul morceau de l’album qui ne raconte pas un meurtre, quoi !
    Parce que c’est un peu le concept de ce neuvième album de Nick Cave : raconter des histoires de meurtre. Faut avouer qu’il y arrive plutôt pas mal, et que ses mauvaises graines mettent une bonne ambiance bien lourde là-derrière.
    Il y a une autre raison à mon choix : dans ce titre, on y retrouve plein de guest stars dont certaines ont été croisées dans ces pages. La grande Polly Jean Harvey bien sûr, accompagnée de la petite Kylie Minogue – les deux duettent avec le sieur Cave sur d’autres titres. Mister Shane «"dans les dents !" MacGowan et son sublime timbre de voix. Blixa Bargeld, membre des Bad Seeds (il a rendu son tablier – de jardinier bien sûr – depuis) et aussi – surtout ! – d’Einstürzende Neubauten. Ils sont accompagnés de Thomas Wydler (un autre membre des Bad Seeds) et d’Anita Lane, que je ne connais pas (c’est elle qui chiale sur "The Kindness of a Stranger"), mais je suppose que Nick a dû coucher avec elle aussi.

     Il y a encore une autre raison à mon choix : j’aime bien ce titre, qui fait vraiment « on va vous chanter que la mort c’est pas la fin, mais on n’y croit pas trop ». Même si en l’occurrence ce pieu de Nick Cave y croit sûrement, à ces balivernes d’après-mort, vu que même s’il embroche tout ce qui passe tel un sauvage phacochère en pleine charge, ça reste un indécrottable chrétien ! Comme quoi c’est pas forcément incompatible avec le talent, hein…
    Et en plus Bob Dylan a 70 ans aujourd’hui, alors hein ! (oui parce qu’en fait "Death is not the End" est une reprise de Dylan. Des fois j’ai l’impression que tout est une reprise de Dylan…)

     

    J’aurais aussi pu choisir "Song of Joy", le titre introductif, parce qu’il plonge de suite dans l’ambiance glauque et sombre de l’album. A l’écoute, on comprend vite que Joy est une personne, et pas cet état euphorique dont on pourrait penser à l’écoute de MurderBallads que Nick Cave ne le connait pas.

    Ou encore "Henry Lee", le duo avec PJ Harvey, parce qu’il est magnifique, doux et mélancolique.

    Tout comme ce célèbre duo qui remit le pied à l’étrier de Kylie "je-suis-toute-refaite" Minogue : "Where the Wild Roses Grow".On est loin de "I should be so lucky", hein ?Comme quoi coucher pour réussir, des fois, c’est bien. Ca doit être ça, le gagnant-gagnant de Ségolène Royal (je cite un membre du PS histoire d’énerver un peu Gaston)(il avait qu’à pas gagner au jeu des pochettes, et toc !). Mais des fois, coucher pour mettre un terme à sa carrière c’est pas mal non plus, hein Dominique ?!! (c’est salaud mais imaginer les fans de DSK qui se retrouvent avec ce pauvre tee-shirt « Yes we Kahn » sur les bras me fait doucement marrer. Enfin bon, ils pourront toujours le porter pour dormir, ce tee-shirt, hein. Surtout pour dormir avec une soubrette, évidemment !)

    J’aime aussi beaucoup la rythmique tendue de "The Curse of Millhaven", qui entraîne merveilleusement le chant du sieur Cave.

    La petite ballade morbide qui suit est bien agréable pour se calmer après ce "Curse of Millhaven" énervé.

    Puis on a ce morceau d’anthologie : "O’Malley’s Bar" : 14:28 mn d’une espèce de jazz d’outre-tombe, avec ces notes de piano agressives qui tombent comme des couperets, ce texte à rallonge qui tient quasiment de la nouvelle noire.

    Et hop, on arrive au "Deathis not the End" que j’offre gracieusement à tes esgourdes.

     

    Mais la discographie de Nick Cave est loin de s’arrêter à cet album ; je dirais même que ses meilleurs morceaux sont à chercher ailleurs. Forcément, mon intransigeance envers moi-même m’a obligé à te parler surtout de l’album par lequel Nick Cave est arrivé à mes oreilles – vois la rigueur quasi-monacale que je m’impose pour ne pas pervertir la chronologie musicale de ma vie ! – , mais je ne peux m’empêcher d’évoquer d’autres morceaux, glanés ça et là dans sa discographie – que je ne connais pas franchement dans le détail, je dois te l’avouer.

     "Stranger than Kindness" (1986) d’abord, qui est certainement ma chanson préféré de Nick Cave & the Bad Seeds. Toute en tension retenue, sans autre explosion finale que cet orgue qui vient prendre le relais de la voix d’outre-tombe de monsieur Cave. Parfait.

    "The Mercy Seat" (1988), ensuite, qui est bien plus énervée, bien plus rageuse. Mais qui regorge de subtilités musicales en arrière-plan, avantage du nombre de musiciens qui peuvent jouer sur différents plans d’écoute. J’adore.

    Et cette "Weeping Song" (1990) ! Ici la mélodie est plus facilement accessible, moins enfouie. La voix de Nick Cave porte plus le titre que sur les morceaux précédents je trouve. Et cette voix, je l’aime !

    "I let Love in" (1994) clôt cette sélection des quatre titres des Bad Seeds qui me sortent de la tête quand je pense à ce groupe. Encore un titre qui donne toute sa dimension à la voix de Nick Cave.

     

    Ce qui est fou c’est qu’on a vu ces mauvaises graines en concertà Marseille, et que les gars sont tout sauf tristes et dépressifs : Nick Cave en frontman est souriant, pêchu et tout ça fut très rock’n’roll.
    Très bon moment que ce concert !

     

    De la mauvaise graine comme ça, on aimerait vraiment qu'il en pousse un peu plus dand la monde sauvage du wock'n'woll !!! 

     

    Soundtrack of your life

     Photo : Fred Javelaud  (mexican style)       

     

     


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