• Charlie's track #05 - Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?

    Renaud - Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ? - (1980)

     

    "J'veux qu'mes chansons soient des caresses

    ou bien des poings dans la gueule"

     

     Renaud...

    Comment dire ?... Renaud, c'est mon premier vrai grand coup de coeur en chanson française.

    Je me rappelle très bien avoir entendu, à la fin des années 70, en vacances et à l'arrière de la voiture familiale, un "tube" qui passait pas mal sur les radios périphériques : Laisse béton que ça s'appelait. Je devais avoir 7-8 ans. J'aimais bien, ça me faisait rire. Tout comme Marche à l'ombre, un rien plus tard (j'avais 9 ans). Voilà deux chansons qui me faisaient vraiment marrer. Y'avait plein d'argot et de gros mots dedans. Le bonheur.

    Renaud, c'est un des premiers à m'avoir donné le goût de l'argot. Avec mon grand-père maternel, un ouvrier qui ne savait pas faire trois phrases sans placer au moins un mot d'argot dedans. J'aimais bien l'écouter parler. Mon grand-père paternel aussi, j'aimais bien l'écouter (j'aime toujours l'écouter, parce que j'ai la chance de toujours l'avoir, lui), même s'il plaçait moins d'argot dans son vocabulaire, tout ouvrier qu'il fût aussi. Aucun des deux n'écoutait de musique, à part des chansons populaires à la radio, quand il en passait. Ils connaissaient surtout des chansons des années 30 à 50. Le reste de mon amour pour l'argot est venu des vieux films aux génériques desquels on trouvait les noms de Gabin, Audiard, Aurenche, Jeanson, Blondin, Jouvet, Arletty, Simon, Blier, Ventura, Carné, Renoir, Autant-Lara, Grangier, Granier-Deferre, Verneuil... etc... et que la télévision à trois chaînes nous jouaient régulièrement. Puis vint l'époque de la lecture assidue de San-Antonio pour parachever mon enseignement. De bons souvenirs, vraiment.

     

    Et donc, Renaud. Longtemps associé à ces deux chansons fondamentales.

    Un jour, mon oncle, dont je vous cause souvent mais que je ne vous ai jamais présenté... Tiens, c'est l'occasion... Je vais donc vous le présenter. Mon père est l'aîné d'une famille de cinq enfants (catholique et ouvrier, ça pardonne pas). Son plus jeune frère a 11 ans de moins que lui. Il est né en 1956. Ça veut dire qu'au tournant des années 80, il n'a pas encore 25 ans. Il est lui aussi ouvrier et il écoute de la musique de jeunes depuis la fin des années 60, avec sa soeur, née en 1953... La génération du Renaud, quoi. Ils écoutent Pink Floyd, Neil Young, Supertramp, Status Quo... et puis Maxime Le Forrestier, Alain Souchon... la "nouvelle chanson française", comme on disait à l'époque...

    Un jour, donc, au début des années 80,  ils débarquent tous les deux chez nous (oui parce qu'eux sont toujours dans la région stéphanoise alors que nous, on est déjà installé dans le sud) pour quelques jours de vacances. A l'occasion d'une descente dans un magasin de disques avec mon père, ils se ramènent avec les albums Place de ma mob, Le retour de Gérard Lambert et Marche à l'ombre. Mon père a aussi acheté ce dernier. Je dois avoir autour de 10 ans. J'userai ce disque  jusqu'à la corde ! (enfin non, je l'ai encore et il est toujours très écoutable).

     

     

    Shit in your ears

     

    Tignasse en bataille et en sueur, blouson de cuir, bandana, vitre cassée, regard qui tue, gueule d'ange mais patibulaire quand même, je le trouve rigolo, ce Renaud.

    Dans ces trois albums (Place de ma mob - Marche à l'ombre - Le retour de Gérard Lambert), j'aime tout. Je n'y vois rien à jeter. Ce sont toujours mes trois albums préférés. Avec mon frangin, on s'est fait une cassette des deux albums qui ne se trouvent pas en vinyle dans la discothèque paternelle et on la déroule assez souvent. Je me souviens aussi d'une nuit blanche, avec mon frère et mon cousin, à l'époque de Mistral Gagnant, où on avait passé toute la nuit à écouter (et à chanter parfois, voire à gueuler à tue-tête !) toutes nos cassettes de Renaud jusqu'au petit matin, avec une mention spéciale pour notre live culte : Un Olympia pour moi tout seul. Mémorable.

     

    Ce qui me plaisait surtout chez Renaud, outre le côté "rebelle" et "engagé" (quoique je ne m'intéresserai à la politique que beaucoup plus tard), c'était son humour. Sa façon de trousser ses textes et son humour. C'est d'ailleurs ce que je finirai par regretter le plus au fil du temps, son humour. Si présent au début, s'estompant légèrement au fil des années 80 pour ne plus apparaître qu'épisodiquement mais trop rarement par la suite. Un Renaud sans humour c'est comme un plat de nouilles sans sel ou un matelas sans oreiller, c'est quand même vachement moins bien.

     

    Pour l'heure, puisque mon père possède ce disque, je l'écoute beaucoup.

    Incontestablement, ma chanson préférée est alors ce Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?, provocation anarchiste de premier ordre, bête et méchante, réglement de comptes avec les "joies" de la célébrité naissante, où chaque couplet, chaque vers, chaque mot est un condensé de dynamite qui te saute à la gueule. Un régal. Aujourd'hui encore, je l'écoute avec la même jubilation qu'à 14 ans. Un miracle.

     

    Au fil du temps, une autre chanson de cet album rentrera au panthéon de mes chansons préférées : Mimi l'ennui.

    Renaud - Mimi l'ennui - (1980)

     

     Malgré un saxo dégueulasse et une couleur sonore limite, la mélodie et le texte emportent l'adhésion. C'est émouvant, triste (mais parfois amusant aussi), hyper réaliste,  superbement bien rendu et bien brossé. A chaque fois, je vois les images et je ressens tout. La grande classe.

     

    A une époque, dans ces moments de l'adolescence où on se sent parfois  au fond du trou sinon au bord du gouffre, et qu'on cherche désespérement quelques branches auxquelles se rattraper, je fus content d'avoir pu attraper au vol la branche Renaud... Elle fait à jamais partie de mon arbre de vie.


     

     

    Enfin, je peux pas vous laisser sans la touche d'humour finale. Une "chanson" qui divise les afficonados eux-mêmes. Une chanson sur laquelle se sont étripées les grandes plumes du forum du HLM de Renaud lors de mémorables joutes verbales, une chanson improbabale qui ne ressemble à rien et c'est pour ça qu'elle est indispensable. La pirouette finale de ce magnifique album : Pourquoi d'abord ? !

     

    Renaud - Pourquoi d'abord ? - (1980)

     

    Moi, cette voix de gamin  joyeusement interprétée et massacrée par un Renaud en grande forme m'a toujours rendu hilare. Couplée à un texte  pas piqué des vers collé sur une musique de troubadour pseudo-médiévale, ça fait ma journée. Je m'en lasse pas. Oui, vraiment, il fallait 10 chansons, sur ce disque.

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  • Commentaires

    1
    Eddy Cordy
    Dimanche 17 Juillet 2011 à 12:34

    Bon, sachant que Peps n'a rien à dire sur Renaud vu qu'il sait même pas qui c'est, je vais m'y coller.

    D'abord je suis ravi d'apprendre que tes grands-pères étaient ouvriers. C'est fou. Les miens pas du tout.

    Ensuite, je vais aussi faire pleurer dans les chaumières. Je connais (et apprécie) Renaud depuis 20 ans grâce à mon grand frère qui est un vrai fan depuis toujours. Sauf qu'il collectionne rien (je crois quand même qu'il a tous les cds sauf un), qu'il va pas sur les forums et qu'il a pas besoin de tout savoir sur le bonhomme. En gros c'est un fan qui aime les chansons et puis c'est tout. Je rentre pas dans les détails bien sûr, tu me connais. Ma grande fierté est de lui avoir fait rencontrer Renaud à deux occasions, une fois au studio ICP (un chicon gratin mémorable) et une fois aux Francofolies de Spa.
    C'est passionnant je sais.

    2
    Eddy Cordy
    Dimanche 17 Juillet 2011 à 12:36

    Sinon j'ai pas de chanson préférée de Renaud là comme ça tout de suite. Peut-être "Il pleut".

    3
    Dimanche 17 Juillet 2011 à 16:04

    Les fans comme ton frère, Eddy, c'est les seuls qui n'ont pas de problème de santé mentale.


    Et sinon, merci Charlie. Vu l'effort, je ne vais pas déplacer ta chronique dans "Shit in your Ears" (cette phrase n'est là que pour faire chier les éventuels fans de Renaud qui liraient ce blog). Et je vais même écouter tous les morceaux !  .......bientôt......

    4
    Mardi 2 Août 2011 à 19:26

    très bon billet sur ce magnifique album de Renaud paru au tout début de l'année 1980 ! Au tout début de cette décennie si particulière ou l'individualisme avait pris le pas sur le partage : Renaud fut un artiste phare de cette époque et (comme vous le dites) un phare tout court dans nos vies !


     


    Comme vous , je l'ai découvert avec ses premiers tubes : "laisse béton" , "c'est mon dernier bal" et "marche à l'ombre" et il est devenu le symbole de notre adolescence . Un chanteur à la fois populaire (comme Claude François) et engagé (comme Léo Ferré ) Cet album avec cette sublime et méconnue "mimi l'ennui" est un bijou absolu ! merci à vous !

    5
    Charlie Brown Profil de Charlie Brown
    Dimanche 7 Août 2011 à 19:17

    De rien, Mr. OX, tout le plaisir est pour moi. Mais merci à vous aussi.

     

    Eddy, dans "Soundtrack of your life", y'a "soundtrack", certes, mais y'a aussi "life". Alors je suis ravi que tu sois ravi d'apprendre des trucs sur ma life et, partant, sur celle de mes grands-parents, même si je n'ai pas l'impression de faire pleurer dans les chaumières (bon, d'accord, je veux bien battre ma coulpe pour un petit paragraphe un peu limite après Mimi l'ennui, mais bon...). Et je t'aime bien en entremetteur. Ton frère m'a aussi l'air éminemment sympathique du coup.

     

    Sinon, Peps, pour que les choses soient bien claires et pour que tu puisses me classer dans le problème de santé mentale approprié, je me dois de faire l'inventaire de ce qui me rattache matériellement à Renaud.

    Je possède donc :

    - quelques vinyles d'époque (le "Marche à l'ombre" de mon paternel dont il est question ici, les "Place de ma mob", "Le retour de Gérard Lambert" et "Morgane de toi" de mon oncle, qui s'est un jour débarassé de ce qui lui restait de sa discothèque vinyle en me refilant une caisse complète de disques (beaucoup avaient hélas disparus), le "Putain de camion" et le live "Visage pâle rencontrer public" que mon frère et moi avions acheté à l'époque, et le "Rouge sang" dédicacé et grâcieusement offert aux dégénérés forumiques par l'idole)

    - l'intégrale CD de 1995 (dite "distributeur de bonbons"), destinée à fêter les 20 ans de carrière du chanteur. Ainsi que les CD publiés après cette intégrale, bien évidemment (à part le live de la tournée "Rouge Sang", parce que faut pas pousser non plus...)

    - 2 DVD de concert

    - une demi-douzaine de bouquins (dont 2 recueils de textes de chansons et 2 recueils de chroniques publiées dans Charlie-Hebdo)

    - peut-être 2 ou 3 magazines de cinéma datant de la sortie de "Germinal" (mais j'en suis pas sûr)

    - 3 billets de place de concert (1995, 2003, 2007), sauf si j'en ai paumé un ou deux, ce qui est très possible vu que je me sers souvent de ce genre de choses comme marque-pages...

     

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